Skip to content

La culture du nouveau capitalisme

Richard Sennett, professeur à la London School of Economic et à la New York University a fait la synthèse de ses travaux de sociologue dans l'ouvrage "La culture du nouveau capitalisme".

Les "gauchistes" des années 60 ont vu leur voeux se réaliser. Ont disparu, à la fois la bureaucratie du socialisme d'état et les hiérarchies rigides des multinationales du monde capitaliste. Dans les 40 dernières années ces structures asservissantes ont été mises à bas laissant place à un monde mouvant sans stabilité. L'homme nouveau adapté à cette nouvelle donne sait répondre à trois défits :

1. Savoir gérer des relations à court terme dans un environnement de travail changeant (différents métiers, différents employeurs, lieux géographiques variés au cours d'une vie).

2. Savoir se recycler en permanence (le potentiel prend l'ascendant sur le métier)

3. Ne pas s'attacher au passé. Les victoires acquises dans le passé ne sont plus l'assurance d'un poste professionnel préservé.

Malheureusement le portrait robot ci-dessus ne correspond pas, nous dit le sociologue, au profil de la plupart de nos contemporains qui ont généralement besoin de plus de stabilité. D'où le mal-être actuel.

Aujourd'hui les entreprises ayant cette nouvelle culture capitaliste restent minoritaires (sauf peut-être dans certains domaines comme l'informatique, la finance, ...), mais ce sont elles qui sont en vue et qui donnent le diapason. Ainsi, même les institutions publiques (hôpitaux, services sociaux, état, ...) ont tendance à suivre cet exemple sans qu'il y ait un quelconque intérêt pour elles de le faire.

Comment en est-on arrivé là ?

Voir aussi : l'interview de Richard Sennett dans l'émission de France-Culture "La suite dans les idées".
Le capitalisme est sorti de l'anarchie du milieu du XIXème siècle en s'inspirant de l'organisation militaire. Ce processus de rationalisation et de hiérarchisation formait le cade du parcours de vie de chacun. Dans ce type d'organisation pyramidale, les directives qui proviennent du sommet sont interprétées successivement par chaque niveau en fonction des compétences et des expériences propres de celui-ci. La structure est aliénante, mais laisse à chacun un marge interprétative qui donne à celui-ci le sentiment d'être un acteur.

La première révolution qui a mis à mal cette organisation, axée sur la stabilité et la résistance aux soubresauts économiques, est la disparition du système de parité or-monnaies issus des accords de Bretton-Wood en 1971. Cette dérégulation a provoqué l'afflux sur les marchés financiers de capitaux qui se sont investi dans les entreprises. Les nouveaux investisseurs (notamment les fonds de pensions) ont progressivement pris le pouvoir dans les entreprises, avec comme nouvel objectif une rentabilité rapide des investissements. Pour atteindre cet objectif, l'entreprise pyramidale est trop lourde. Est plus efficace une entreprise moins hiérarchisée, abandonnant ses activités les moins rentables, capable de s'adapter aux aléas du marché plutôt que de les gommer et capable de changer rapidement son domaine d'activité ou son organisation. L'émission Rumeur du Monde du 24 juin 2006 explique que cette simplification va plus loin. Elle conduit les entreprises à se focaliser sur un seul domaine plutôt que de se diversifier, comme il était coutume de le faire. Une entreprise mono-domaine est beaucoups plus simple à évaluer pour un investisseur en fonction des conditions économiques, mais au prix d'une fragilisation de l'entreprise. Si le domaine va mal, la valeur de l'entreprise baisse et l'investisseur va placer ailleurs ses fonds, laissant l'entreprise à son triste sort.

Un IBM PC 5150 datant de 1981
La deuxième révolution responsable du déclin du modèle pyramidal est celle de l'informatique et des technologies de l'information. Cette révolution a permis d'établir des circuits transversaux de circulation de l'information. De plus, en introduisant une automatisation, elle à fait disparaître une base constituée de travailleurs peu qualifiés.

Le manager est en contact direct avec ses subordonnés grâce à des outils tels que le courrier électronique ou le suivi d'indicateurs d'activité mis à disposition en temps réel par l'outil informatique.

Au niveau psychologique, l'employé perd ainsi sa marge d'interprétation, il sent que sont rôle dans l'organisation est diminué. Son stress est, de plus, augmenté par certaines méthode de management, comme par exemple, la mise en concurrence de plusieurs équipes sur le même projet (la gagnante raffle la mise, il n'y pas de lots de consolation).

Dans un environnements dont les buts, les moyens, les équipes sont changeants, l'expérience et le métier cèdent le pas au potentiel, à l'adaptabilité, à la capacité à gérer des relations humaines et à établir de réseaux professionnels.

Il reste évidemment à prouver qu'une telle utilisation est optimale pour l'entreprise elle-même. Le sociologue constate en tout cas que le lien qui lie l'employé à l'employeur se distend dans cet environnement peu stabilisé. L'autorité des managers qui ne restent pas en place longtemps est faible, les employés, particulièrement ceux à compétences techniques recherchées, change d'employeur lorsque les contraintes deviennent trop fortes, au lieu de faire preuve de loyauté et de solidarité.

L'auteur aborde aussi le sentiment d'inutilité que resent souvent l'individu sousmis à un tel environnement. Inutilité face à la concurrence des travailleurs des pays emmergeants, bien moins payés et de plus en plus souvent mieux formés. Inutilité face à l'automatisation qui rend rapidement le savoir professionnel obsolète. Inutilé face enfin à son propre viellissement dans une société qui considère les plus de 50 ans, comme moins employables, moins méléables et moins adaptables à un monde mouvant qui ne considère pas l'expérience comme utile.

L'auteur pour finir, produit un chapitre original qui, plutôt que d'analyser l'impact politique de la fracture entre la classe moyenne traditionnelle et la classe des gagnant de la nouvelle donne économique, essaie de montrer que les habitudes qu'a acquises le consommateur contemporain a une influence sur sa perception du monde politique.

La consommation se fait de plus en plus sur un mode passionnel. Cette passion devorante de la consommation conduit, d'une part, par la vertue de l'imagination, à accorder à des détails (couleurs, packaging, images associées, ...) une importance démesurée, et, d'autre part, à privilégier la puissance à l'utile (profusion des rayons de Waltmart, 4x4 surpuissants, lecteur mp3 à la capacité abyssale, ...). Cette culture de l'imaginaire et cette superficialité se retrouvent dans l'appréhension de la politique par le citoyen qui va voter le changement. Il ne préférer le potentiel et l'imaginaire au résultats concrets obtenus.

Cette partie sur la politique, bien que fourmillant d'idées, me semble à améliorer. En tout cas, je n'y sens pas la même cohérence que dans le début du livre.

Par delà ce court résumé, on peut dire que "La Culture du Nouveau Capitalisme" renferme nombre d'idées intéressantes que l'on découvre à chaque relecture.

Rétroliens

Pas de rétroliens

Commentaires

Afficher les commentaires en Vue non groupée | Vue groupée

Pas de commentaires

Ajouter un commentaire

Marquer un texte en gras: *mot*, souligner un texte: _mot_.
Les smilies standard comme :-) et ;-) sont convertis en images.
:'(  :-)  :-|  :-O  :-(  8-)  :-D  :-P  ;-) 
Les adresses Email ne sont pas affichées, et sont seulement utilisées pour la communication.

Pour éviter le spam par des robits automatisés (spambots), merci d'entrer les caractères que vous voyez dans l'image ci-dessous dans le champ de fomulaire prévu à cet effet. Assurez-vous que votre navigateur gère et accepte les cookies, sinon votre commentaire ne pourra pas être enregistré.
CAPTCHA

Form options